Quantcast
Channel: fr.hypotheses » Conseil supérieur des juges et des procureurs (HSYK)
Viewing all articles
Browse latest Browse all 5

Les 230 condamnés de l’affaire Balyoz sont libérés

$
0
0

Libération-Balyoz1Le 19 juin, la 4e chambre criminelle d’Istanbul a ordonné la remise en liberté de 230 militaires condamnés dans le cadre de l’affaire Balyoz, en septembre 2012 (cf. notre édition du 22 septembre 2012). Cette décision intervient un jour à peine après un arrêt de la Cour constitutionnelle, rendu à l’unanimité, qui a ouvert la voie à une révision du procès Balyoz, en estimant que les droits des personnes condamnées dans cette affaire avaient été violés. La nouvelle de la libération des 230 condamnés du procès Balyoz a fait l’effet d’une bombe en confirmant les doutes existant sur la réalité d’un prétendu complot, dont la révélation et l’investigation, entre 2010 et 2012, ont contribué à ruiner l’influence politique de l’armée. Avant d’analyser les raisons et les  conséquences de ce coup de théâtre judiciaire, un rappel des principaux développements de cette rocambolesque affaire s’impose. Il montre que l’événement n’est pas si surprenant qu’il n’y paraît.

Un plan des militaires pour déstabiliser puis renverser le gouvernement ?

Le 20 janvier 2010, le plan Balyoz vole la vedette à la fameuse affaire Ergenekon (autre grand procès pour complot qui contribuait depuis 2007 au recul politique des militaires) lorsque le quotidien Taraf Libération-Balyoz2révèle un «plan d’opérations de sécurité», au nom de code évocateur… Balyoz, en effet, signifie «marteau de forge», en turc (cf. notre édition du 21 janvier 2010). Préparé en mars 2003, peu après l’arrivée de l’AKP au pouvoir, par une série de généraux partis depuis à la retraite (Çetin Doğan, Ergin Saygun, Ibrahim Fırtına…), ce plan aurait consisté en une série d’attentats à la bombe, visant notamment des mosquées (en particulier celles de Fathi et Beyazit, à Istanbul) ou des musées, et cherchant à créer une situation de chaos dans le pays pour favoriser une intervention militaire. Le plan en question aurait aussi voulu provoquer des incidents aériens avec la Grèce, de façon à susciter des tensions internationales, l’idée générale du dispositif étant de démontrer l’incapacité de l’AKP à gouverner.

L’affaire entraine dans les semaines qui suivent de fortes tensions entre le gouvernement et l’état-major (cf. nos éditions du 23 février 2010 et du 26 février 2010). Les militaires plaident en effet qu’il ne s’agit pas là d’un réel projet de putsch, mais simplement d’un exercice d’école destiné à prévenir une situation Libération-Balyoz3de tension. Mais, en juillet 2010, cela ne dissuade pas le procureur en charge de l’affaire d’établir un acte d’accusation, ce qui conduit à l’ouverture d’un procès, au mois de décembre de la même année.

 Il est vrai que, dans un premier temps, la personnalité des principaux accusés contribue à accréditer la thèse du complot, car plusieurs d’entre eux ont acquis la réputation d’être des adversaires résolus du gouvernement. Le général Çetin Doğan (photo de gauche), qui a été impliqué dans le coup d’Etat post-moderne de 1997, apparaît comme l’un des militaires potentiellement le plus dangereux pour l’AKP, après son arrivée au pouvoir en 2002. L’amiral Özden Örnek, quant à lui, a fait la une de l’actualité au printemps 2007. Des carnets, qui lui auraient appartenu et qui révélaient la préparation d’un coup d’Etat, ont alors été publiés par le magazine Nokta, entrainant d’ailleurs la fermeture de ce dernier (cf. notre édition du 13 avril 2007).

De premiers doutes sur la réalité du complot

Toutefois, la conduite de la procédure et le déroulé des audiences de l’affaire Balyoz laissent apparaître de nombreuses zones d’ombre et des incohérences. Ainsi l’enquête pointe du doigt un officier, l’accusant d’avoir enregistré sur son ordinateur des documents importants de l’affaire, alors même qu’il participait à l’heure et à la date de cet enregistrement à une session de plongée sous-marine. L’acte d’accusation fait également référence à une réunion factieuse qui se serait tenue sur un navire, qui Libération-Balyoz4pourtant n’était pas encore en service au moment des faits. Enfin, certains documents du plan comportent des noms de rue, qui étaient à l’époque différents, parce qu’ils ont été changés par la suite.

Dès lors, comme dans l’affaire Ergenekon, des doutes apparaissent, et on commence à penser que l’affaire Balyoz pourrait être un règlement de compte entre le gouvernement et des militaires potentiellement factieux, que ces derniers aient réellement comploté ou qu’ils aient été simplement susceptibles le faire, si d’aventure le contexte se montrait favorable. Toutefois, Balyoz, à la différence d’Ergenekon, qui a aussi touché des journalistes et des universitaires, concerne presqu’exclusivement l’armée. Et l’on observe qu’entre 2010 et 2012, cette affaire a permis de mettre hors jeu une grande partie de la vieille garde de l’armée turque, en offrant aussi au gouvernement l’opportunité de s’immiscer dans les nominations des principales têtes de l’état-major, pour y favoriser l’avènement d’une nouvelle génération, moins hostile aux dirigeants de l’AKP que la précédente.

Les paradoxes d’un retournement des situations politiques puis judiciaires

Depuis le 17 juin, de nombreuses voix s’élèvent pour saluer les récentes décisions de la Cour Libération-Balyoz5constitutionnelle et de la 4e chambre criminelle d’Istanbul remettant en cause le verdit de l’affaire Balyoz. Le leader du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu (photo à gauche) a estimé que les plus hautes instances juridictionnelles ont donné raison à l’opposition kémaliste. Celle-ci, en effet, a toujours mis en doute l’authenticité des affaires de complot qui ont visé des militaires au cours des dix dernières années, en y voyant une stratégie mise sur pied pour intimider les milieux laïques et conforter la domination de l’AKP. En revanche, il a été plus surprenant de voir que le leader du parti au pouvoir en personne n’a pas manqué également de se réjouir de la libération des condamnés de l’affaire Balyoz. Avant de s’envoler pour l’Autriche où il doit tenir un meeting pour la campagne de la prochaine présidentielle, le premier ministre turc n’a pas hésité à  déclarer : « Notre espoir est que la vérité finisse par triompher. »

Pour comprendre cet apparent paradoxe, il faut se souvenir que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis que l’affaire Balyoz a paru faire le jeu du gouvernement de l’AKP. Depuis 2010, les relations se sont détériorées notamment entre le parti au pouvoir et le mouvement Gülen dont était issue une grande partie des juges et des procureurs ayant opéré dans les affaires Ergenekon et Balyoz. Cette détérioration n’a certes pas empêché les procédures engagées d’aller à leur terme et de déboucher sur des condamnations très nombreuses et très lourdes, pour Balyoz, en septembre 2012, et pour Ergenekon, en août 2013.

Pourtant, en novembre 2013, alors que le gouvernement s’attaque aux dershane, ces boîtes de préparation au concours d’accès à l’Université dont beaucoup dépendent du mouvement Gülen, (cf. notre édition du 26 novembre 2013), le torchon brûle entre le gouvernement et ce dernier. La guerreLibération-Balyoz6 ouverte entre les deux protagonistes commence le 17 décembre 2013 lorsque des procureurs, proches de la confrérie Gülen, ordonnent l’arrestation d’une cinquantaine de proches du gouvernement dont 3 fils de ministres (cf. notre édition du 18 décembre 2013). La méthode Ergenekon/Balyoz semble désormais être appliquée à l’AKP. La tentative ne fait, toutefois, pas long feu. La riposte du parti au pouvoir et de son leader est foudroyante. Dans les semaines qui suivent, après avoir épuré la police et limogé les procureurs les plus gênants, le gouvernement restructure l’appareil judiciaire en remaniant en particulier la composition du HSYK (le Conseil supérieur des juges et des procureurs équivalent du Conseil supérieur de la magistrature en France) et surtout en supprimant le système des cours spécialement autorisées (ÖYM – Özel Yetkili Ağır Ceza Mahkemeleri), qui avaient permis d’instruire de grands procès contre l’armée, en dérogeant au droit commun et en faisant intervenir de nombreux magistrats gülenistes.

Le mouvement Gülen mise en accusation

Dès lors, le premier ministre n’a pas de mots assez durs pour dénoncer ces procureurs félons qui tentent de s’en prendre à lui et à ses proches. Quelques jours à peine après le début de la fameuse affaire du 17 décembre 2013, l’un des principaux conseillers de Recep Tayyip Erdoğan, Yalçın Adoğan, Libération-Balyoz7laisse entendre, dans le quotidien Star, que tous les procès pour complot qui ont frappé les militaires au cours des dernières années, pourraient être une suite de coups montés contre l’armée et ourdis par des procureurs proches du mouvement Gülen. Le 27 décembre 2013, l’état-major demande qu’une enquête soit ouverte contre un «complot» qui a conduit à des verdicts frappant injustement de nombreux militaires de haut rang. Les termes de la plainte déposée par l’état-major tendent notamment à dénoncer les relations suspectes qui auraient existé entre certains magistrats et le fameux imam en exil volontaire aux Etats-Unis. L’état-major parle notamment «de preuves fabriquées et instrumentalisées par des juges», qui auraient sciemment ignoré des moyens de la défense.

On parle alors d’un renversement des alliances et d’une convergence objective entre le gouvernement et l’armée pour remettre en cause les grands procès pour complot et leurs condamnations (cf. notre édition du 3 janvier 2014). Ce contexte nouveau amène de nombreux responsables politiques à évoquerLibération-Balyoz8 une révision de ces procès et une libération possible des condamnés emprisonnés. Le 6 mars dernier, le général İlker Başbuğ (photo de droite), ancien chef d’état-major de l’armée turque (2008-2010), condamné à la prison à vie dans le cadre de l’affaire Ergenekon, voit la cour constitutionnelle donner droit au recours qu’il avait formé pour contester ce verdict. Le général Başbuğ est effectivement libéré le lendemain et affirme que sa «libération n’est qu’un début». La même procédure a conduit, ces jours-ci, à la remise en liberté des condamnés de l’affaire Balyoz, montrant que la prédiction de l’ancien chef de l’armée turque se révélait exacte, mais permettant aussi à Recep Tayyip Erdoğan de rappeler qu’après l’affaire du 17 décembre, il avait lui-même évoqué la révision des procès ayant frappé l’armée. Ce qui lui avait valu de s’attirer les foudres de ses anciens alliés gülenistes…

JM


Viewing all articles
Browse latest Browse all 5

Latest Images

Trending Articles


Transports Yannis (45)


nantespronos


ULM : Vente QUICKSILVER Sport 2S 582 (70) AP140915341


Problème vitesses sur Ford 5610


L'endocrinologue palois condamné à 2 ans de prison avec sursis


Transports Guiltat (58)


le flou dans l’art


ULM : Vente TECHNOFLUG Piccolo Solo 2350B (Luxembourg) AP311018960


On a retrouvé la 7ème compagnie


SACDD - classe NORMALE - spé« AG » (concours externe)





Latest Images